Contexte

Objectifs du développement durable (ONU)

  • Définition : un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

  • A concilier suivant trois éléments de base : croissance économique, inclusion sociale et protection de l'environnement.

  • 17 objectifs classés dans 5 domaines :

    • humanité : 1. pas de pauvreté, 2. faim zéro, 3. bonne santé et bien être, 4. éducation de qualité, 5. égalité entre les sexes

    • prospérité : 6. eau propre et assainissement, 7. énergie propre et abordable, 8. travail décent et croissance économique, 9. industrie, innovation et infrastructure, 10. inégalités réduites, 11. villes et communautés durables, 12. consommation et production responsables

    • planète : 13. lutte contre les changements climatiques, 14. vie aquatique, 15. vie terrestre

    • paix : 16. paix, justice et institutions efficaces

    • partenariat : 17 partenariats pour la réalisation des objectifs

Objectifs du développement durable dans le cadre du numérique

  • Développement durable dans le cadre du numérique :

    • réduire pour le numérique ou par le numérique l'empreinte écologique, économique et sociale

    • inventer un nouveau modèle de société : prenant en compte les limites de l'écosystème, et en utilisant intelligemment les technologies numériques existantes.

  • Trois périmètres :

    • Green IT 1.0 : réduire l'empreinte du numérique (pour)

    • Green IT 1.5 : réduire l'empreinte des organisations à l'aide du numérique (par)

    • Green IT 2.0 : inventer de nouveaux produits ou services plus durables grâce au numérique (par)

  • Trois moyens techniques avec la low-technicisation

    • efficience (techniques plus performantes)

    • sobriété (ressources utilisées avec parcimonie)

      • dans l'utilisation des ressources (espace, mémoire, temps de calcul)

      • mais aussi fonctionnelle

    • utilisation des énergies renouvelables

  • Deux autre approche socio-techniques

    • changement des usages

    • appropriation des usages (hors du GreenIT, pour un nouveau modèle de société)

Impacts du numérique sur la planète

19 facteurs d'impact environnementaux considérés venant de la méthodologie de l'empreinte environnementale de l'Union européenne. 10 indicateurs environnementaux sélectionnés, représentant 85% des impacts globaux pondérés.

  • atteintes aux ressources abiotiques : comprenant l'utilisation des minéraux et terre rares, l'utilisation des ressources fossiles, l'utilisation de l'eau potable, etc.

  • atteintes aux ressources biotiques : comprenant l'impact direct sur les êtres vivants

  • acidification des océans et des sols,

  • écotoxicité : présence de polluants dans les écosystèmes

  • toxicité humaine : effets néfastes sur la santé humaine

  • eutrophisation : augmentation des taux d'azote et de phosphore dans les océans et les sols

  • changement climatique

  • dispersion de radio-isotopes (radiations)

  • destruction de l'ozone stratosphérique

  • émission d'ozone photochimique et de particules : apparition de smog

Résultats pondérés et normalisés sur la base de la méthode EF 3.0 : chaque impact est pondéré par rapport à l'impact environnemental d'un individu moyen, puis normalisé par rapport à l'ensemble des impacts pondérés.

Impacts du numérique sur la planète (ACV du numérique en Europe 2021)

Niveau 1 : Terminaux utilisateurs

Niveau 2 : Réseau

Niveau 3 : Centres de données

Total

Utilisation des minéraux et terres rares

20.4%

1.4%

1.2%

23%

Utilisation des matières fossiles

10.5%

2.4%

4.1%

17%

Acidification

2.9%

0.5%

1%

4.4%

Ecotoxicité (eau douce)

3.2%

0.5%

1%

4.8%

Toxicité humaine

0.5%

0%

0.1%

0.6%

Eutrophisation

1.4%

0.3%

0.5%

2.2%

Changement climatique

10.6%

1.9%

3.6%

16.1%

Radiations

7.2%

1.6%

2.2%

11%

Destruction de l'ozone stratosphérique

0.1%

0%

0%

0.1%

Emissions d'ozone photochimique et de particules

3.8%

0.7%

1.3%

5.8%

Total

60.6%

9.3%

15%

85%

Notes : les terminaux recouvrent tous les outils du numérique. Les plus grands participants sont les téléviseurs, les ordinateurs portables et les smartphones (environ 20% chacun) suivi des ordinateurs de bureau (environ 10%).

Impact du numérique sur la planète (ACV du numérique en France 2021)

Niveau 1 : Terminaux utilisateurs

Niveau 2 : Réseau

Niveau 3 : Centres de données

Total

Energie

Fabrication

37%

2%

2%

41%

100%

Usage

27%

19%

13%

59%

GES

Fabrication

76%

5%

2%

83%

100%

Usage

8%

5%

4%

17%

Eau

Fabrication

86%

1%

1%

88%

100%

Usage

1%

4%

3%

12%

Matières premières

Fabrication

79%

15%

6%

100%

100%

Usage

0%

0%

0%

0%

Attention :

  • Les matières premières ne prennent pas en compte l'utilisation de ressources fossiles consommées en énergie.

  • Sont omises les phases de transport et de fin de vie (pouvant être trouvées dans l'ACV précédent et globalement minoritaires).

Synthèse des ACV du numérique en France et en Europe (2021)

  • Trois facteurs d'impact nettement au-dessus des autres : utilisation des minéraux et des terres rares (23%), utilisation des matières fossiles (17%), changement climatique (16%)

    • pour information : le changement climatique dû au numérique représente environ 4,2% de tout le changement climatique

  • Impact majoritaire des terminaux utilisateurs (20x plus pour l'utilisation des terres rares, 2x à 5x pour les matières fossiles et le changement climatiques)

  • Impact majoritaire de la phase de fabrication (83% GES, 88% eau, 100% matières premières)

    -> explication de l'importance des terminaux utilisateurs : ils sont bien plus nombreux

  • répartition différente en terme d'utilisation de l'énergie (41% fabrication vs. 59% utilisation ; pour l'utilisation : 45% terminaux, 40% réseau, 25% centres de données)

Le matériel cause directe

  • Empreinte environnementale des TIC principalement causée par la fabrication et l'utilisation.

  • Nécessité d'utiliser le matériel le plus longtemps possible.

  • En pratique :

    • Observation d'une obsolescence accélérée jusqu'au milieu des années 2010 : durée d'utilisation d'un ordinateur divisée par 4 en 25 ans pour atteindre moins de 3 ans en 2005.

    • Améliorations récentes dans le milieu professionnel depuis 2015 : ce chiffre est repassé de 3 ans en 2015 à 5-6 ans en 2020 grâce aux lois sur le reconditionnement (Green IT Benchmark professionnel 2021). Mais cela ne veut pas dire que les entreprises gardent plus longtemps leurs ordinateurs : le chiffre tient compte de la seconde vie apportée par le reconditionnement.

  • Causes de l'obsolescence : exigences toujours plus élevées des logiciels, évolution des normes (VGA/HDMI, etc.), obsolescence programmée, besoin de garantie pour les entreprises.

  • Pour la fin de vie du matériel : rapport sur le traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) de l'ADEME

    • DEEE ménagers : insuffisance du recyclage de ces équipements, malgré une nette progression : en 2012 : 5kg traités sur 24 kg d'équipements électroniques jetés par an par français ; en 2019 : 11,6 kg traités sur 22kg d'équipements jetés par an par français (779785 tonnes totales).

    • DEEE professionnels : 77% traités en 2019 (sur 75121t), mais attention, tout n'est pas valorisable dans le recyclage.

Comment traiter les problèmes matériels ?

  • Evolution des normes : garder des moyens de rétro-compatibilité (adaptateurs, support de standards anciens, etc.)

    Attention aux effets rebonds (complexité, perte de performance, etc.)

  • Obsolescence programmée : cadre législatif, reconditionnement

  • Besoin de garantie pour les entreprises : développer une conception donnant priorité à des outils plus durables dans le temps, modularisation (on change une partie, pas tout l'objet)

    généralement à l'opposé de l'intérêt économique de l'entreprise développant le produit

Le logiciel cause indirecte

  • Principal responsable de l'obsolescence accélérée du matériel informatique : exigences toujours croissantes des logiciels.

  • Nouvelle version tous les 2 à 3 ans maximum ; fin du support technique d'une version de 3 à 5 ans en moyenne.

  • Chaque nouvelle version nécessite en moyenne 2 fois plus de ressources que la précédente.

    • 70 fois plus de RAM pour écrire le même texte entre Windows 7 +Office 2010 par rapport à Windows 98 +Office 97 pour 12 ans d'écart.

    • Phénomène obésiciel ou bloatware.

Obésiciel

  • En pratique, perte de performances entre des versions différentes de logiciel. Deux causes possibles : parasitage ou entropique.

  • Obésiciel de parasitage : consommation de ressources par des logiciels non-nécessaires.

    Exemples : logiciels de constructeurs de PC, logiciels en version d'évaluation, utilitaires redondants, désinstallation incomplète.

  • Obésiciel entropique : perte de performance du logiciel/système d'exploitation considéré aprés changement de version.

    Parmi les raisons, le foisonnement de fonctionnalités inutiles : en moyenne, seulement 20% des fonctionnalités d'une application sont utilisées par 80% des utilisateurs.

Aspects économiques (analyses de 2012)

  • Résultat d'une analyse commandée par HP :

    • 5,8% des budgets informatiques consacrés à des applications sous-utilisées.

    • 15% des applications métiers sous-utilisées voire sans apport réel.

    • coût total par an de 16 milliards de dollars en Europe.

  • Résultats d'une analyse Opinion Matters :

    • 10% des logiciels achetés ne sont jamais utilisés.

    • 70% des entreprises achètent plus de licences que nécessaires, 80% des décideurs admettent que des logiciels sur les postes de travail ne sont jamais utilisés.

    • coût de 27 milliards de dollars par an aux Etats-Unis et en Grande Bretagne.

    • causés principalement par une mauvaise gestion des actifs logiciels : 60% des entreprises utilisent un tableur, 10% sur papier, 12% ne gèrent rien.

Attention aux effets rebonds

  • origine économique du terme venant de 1865 (paradoxe de Jevons) : en cherchant à diminuer l'épuisement du charbon en améliorant l'efficacité de sa production, la demande a explosé et l'épuisement s'est accéléré

  • définition pour les critères environnementaux : l'augmentation de consommation (d'énergie, de matière première, etc.) liée à la réduction des limites de l'utilisation d'une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, et liées aux effort de production et d'usage, leurs risques, leur organisation, etc.

  • nombreux exemples dans le numérique !

  • trois types d'effet rebonds

    • direct : l'économie entraîne directement un accroissement de la consommation

      exemple : la miniaturisation des composants électroniques entraîne une explosion de leur utilisation au lieu d'une diminution de consommation en matières premières ; de plus grandes performances dans la transmission d'information amène une augmentation des communications (évolution ADSL/fibre, par exemple)

    • indirect : l'économie est réinvestie dans la consommation d'autres produits polluants

      exemple : l'économie réalisée par une meilleure isolation thermique des bâtiments professionnels est réinvestie dans l'achat de matériels informatiques supplémentaires

    • structurel : l'économie impacte de nombreux autres facteurs

      exemple : une solution cloud de stoquage de données permet mutualiser les moyens informatiques dans des data-centers proposant un faible PUE (Power Usage Effectiveness) ; en contrepartie, une forte demande d'intégrité et d'accés amène une duplication ou triplication du matériel, et pour économiser l'énergie et limiter les pannes, les data centers remplacent leurs serveurs bien avant leur fin de vie.

Durabilité vs Greenwashing

  • Le greenwashing consiste à donner une image écologique à une marque ou société en mentant, cachant la vérité ou faisant des allégations non-vérifiées sur des bénéfices environnementaux.

  • La société TerraChoice Marketing Inc définit 7 péchés de greenwashing (2010) :

    • compromis caché : prétention ne considérant qu'un nombre restreint d'attributs et en occultant le reste.

      Exemple : appareils électriques économes en énergie, occultant la partie fabrication et fin de vie.

    • absence de preuve : prétention non étayée par une information facile à trouver et digne de confiance.

    • imprécision : prétention vague ou floue.

      Exemple : produit dit vert ou préservant l'environnement sans définitions de ces termes.

    • non pertinence : prétention exacte mais inutile ou insignifiante.

      Exemple : produit mettant en avant la conformité RoHS (Restriction of Hazardous Substance) qui est obligatoire en Europe pour être commercialisé.

    • moindre mal : prétention exacte, mais sur une catégorie de produits globalement nocifs.

      Exemple : la cigarette au tabac biologique qui est moins mauvaise pour la santé.

    • faux ecolabel : utilisation de labels internes à l'entreprise peu contraignants et non délivrés par un organisme tiers.

      Exemple nombreux dans les TIC : label GreenIT de Fujitsu Siemens, labels EcoGreenIT et ECOSustainability de NEC, etc.

    • mensonge : prétention fausse.

  • D'aprés une étude TerraChoice, moins de 1% des produits évalués en Grande Bretagne en 2010 étaient concernés par le péché de mensonge, mais 73% étaient concernés par le péché de compromis caché. 98% des produits étaient concernés par au moins un péché.

Benjamin Lussier Paternité - Partage des Conditions Initiales à l'Identique