Hypothèse : la lowtechisation comme approche de conception technocritique
Préambule : les 4 scénarios de l'ADEME
Exemple :
Faire des choix technologiques : il n'y a pas d'humain no-tech
Fondamental : Hypothèse : Il est possible de faire des choix
Si la question de vivre sans technique n'a pas de sens, celles de comment vivre avec quelles techniques, selon quel rapport de force et avec quel modèle de société sont essentielles.
Exemple :
Au Néolithique, les humains étaient en capacité de construire des modèles de société divers : cultivateur et/ou cueilleur, nomades et/ou sédentaires...
C’est leur connaissance des alternatives (et non leur ignorance) qui conduisait ces peuples à se déterminer (via les échanges avec leurs voisins).
Exemple :
Au niveau de collectifs locaux
Exemple : gestion de l'agriculture sur Tikopia (île du pacifique) vers 1600 : décision collective de tuer tous les porcs de l'île, non rentables (5kg de légumes consommés pour 500g de porc)
Au niveau de l'état centralisé
Exemple : Gestion du bois au Japon au XVIIIe : réglementation de l'usage par le shogun (jusque dans le détail de quel bois peut-être utilisé pour quel usage)
Fondamental :
Hypothèse 1 : il y a des problèmes avec la technique
Hypothèse 2 : on ne peut pas faire sans technique
Hypothèse 3 : on peut faire des choix
Conclusion : on doit faire des choix et se doter de méthodes pour les accompagner
Rediriger l'ingénierie, hériter, fermer
Définition : Redirection
Modification radicale des objectifs poursuivis par les industries afin de :
cesser de faire advenir des technologies qui contribuent au franchissement des limites planétaires,
et de réorienter leurs activités vers la gestion des problèmes existants,
et la création de nouvelles technologies soutenables.
Définition : Fermeture
Là où nos sociétés inventent et innovent pour dans une logique d'ouverture (pour alimenter la croissance) il s'agit d'innover et inventer pour fermer.
Exemple : Fermeture
Fermer l'automobile individuelle
Fermer la publicité
Fermer l'élevage intensif
Définition : Héritage
L'héritage est d'abord une continuité (et ce n'est pas un choix).
L'héritage est un deuil.
L'héritage est une charge.
L'héritage est une responsabilité.
Exemple :
Fermer est un projet qui suppose de gérer l'existant :
des bâtiments,
des machines,
des emplois,
des formations associées en amont,
des activités dépendantes en aval,
...
Notion de technocritique : vers des nos-techs
Exemple : Luddisme
Les luddites ne s'opposent pas à toute technique mais aux plus grosses machines qui les privent de leur métier
Positionnement : lowtechnicisation versus technosolutionnisme
Positionnement de la lowtechisation
Rejet de l'écologie : éco-scepticisme, éco-négationnisme, technophilie
Définition : Environmental skepticism
« Environmental skepticism is the belief that statements by environmentalists, and the environmental scientists who support them, are false or exaggerated. »
Exemple :
« I accepted to come to this meeting to have a sober and mature conversation. I’m not in any way signing up to any discussion that is alarmist. There is no science out there, or no scenario out there, that says that the phase-out of fossil fuel is what’s going to achieve 1.5C. »
« Al Jaber also said a phase-out of fossil fuels would not allow sustainable development “unless you want to take the world back into caves »
Carrington, Damian, et Ben Stockton. « Cop28 President Says There Is ‘No Science’ behind Demands for Phase-out of Fossil Fuels ». The Guardian, 3 décembre 2023, sect. Environment.https://www.theguardian.com/environment/2023/dec/03/back-into-caves-cop28-president-dismisses-phase-out-of-fossil-fuels
Exemple : GIEC
Définition : Technophilie
La technophilie est un fort enthousiasme pour la technique, pouvant aller jusqu'à l'exaltation, en particulier pour les techniques les plus récentes telles que les ordinateurs, Internet, les téléphones. (wikipedia.org)
Fondamental : Technophilie et retrait de la posture critique
Cet enthousiasme se manifeste pour la technique elle-même, indépendamment des bénéfices avérés ou imaginés pour les humains.
Il peut conduire à une forme de sacralisation qui empêche tout débat sur la technique.
Il conduit à minorer les impacts négatifs des technologies sur l'environnement (forme d'éco-scepticisme) ou à fantasmer des impacts positifs (forme de green washing).
Exemple : Technophilie et IA
L'engouement actuel pour l'Intelligence Artificielle relève de la technophilie au sens où c'est l'exploit réalisé qui est source de satisfaction, indépendamment de ses usages à venir ou de la réponse à des enjeux sociaux qui pré-existeraient.
Rejet de la technique : technophobie, catastrophisme, misanthropie
Définition : Technophobie
La technophobie est un rejet et une peur de la technique qui trouve son origine dans le passage de l'outil à la machine (au XVIIe siècle), le premier prolongeant l'humain, tandis que la seconde tend à le remplacer ou l'asservir.
Critiques du rejet de la technique
La technique est constitutive de l'humain, on peut poser la question de « quelles techniques » et « quelles influences sur les humains », mais pas celle de l'existence des techniques (thèse TAC, Steiner, 2010).
Pour faire vivre un débat démocratique à propos de la technique, il faut une compréhension et une capacité d'action dans le monde technique (couplage homme-technique).
La technique est ambivalente, la réponse « quelles techniques seraient à conserver et quelles techniques seraient à abandonner » est toujours complexe (principe du pharmakon, Stiegler, 2013).
Si les humains qui développent une posture critique sur la technique s'en éloignent ou s'en désintéressent, alors seuls les humains technophiles restent aux commandes du développement technique (contre-pouvoir).
On ne revient jamais en arrière en histoire (logique d'héritage, Bonnet, Landivar, Monnin, 2021)
Critique du technosolutionnisme
Définition : Technological fix
« A technological fix, technical fix, technological shortcut or (techno-)solutionism refers to attempts to use engineering or technology to solve a problem (often created by earlier technological interventions). »
Quel est le problème avec le technosolutionnisme ?
Critiques du solutionnisme
Empêche de penser le problème différemment (ex : voiture individuelle)
Non prise en compte de la complexité (ex : monoculture)
Minoration des effets indirects (ex : effet rebond)
Mauvaise échelle de temps, si on reconnaît par ailleurs l'urgence d'agir pour inverser les courbes (ex : captation carbone)
Non prise en compte des effets de généralisation, à l'échelle mondiale (ex : nucléaire)
Logique de pari (si on ne trouve pas de solution, c'est grave)
Lien à la croissance, on peut continuer à "croître" à peu près de la même façon si on fait "attention", puisqu'on trouvera toujours des solutions techniques
Exemple : La compensation carbone
Les principes de neutralité et de compensation carbone sont dangereux car :
ils entretiennent la pensée que des solutions de captation permettent de maintenir les activités émettrices telles qu'elles existent,
or les surfaces de replantation d'arbres ou les coûts en énergie d'autres solutions rendent cette perspective peu crédible,
et ils empêchent par ailleurs de penser la sobriété.
Problématique : high-tech
Invention et progrès : la technique est bonne
Définition : Invention
L'invention
a pour objet la production de nouveaux possibles techniques par la maîtrise des phénomènes naturels,
elle est associée à l'idée de progrès,
elle tend à une domination de la nature par l'humain via la technique.
Définition : Progrès
« Ce mot, qui signifie "marche en avant", désigne de façon toute spéciale, dans le langage philosophique, la marche du genre humain vers la perfection, vers son bonheur. (…) L'humanité est perfectible et elle va incessamment du moins bien au mieux, de l'ignorance à la science, de la barbarie à la civilisation. »
Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1866-1876)
Innovation et croissance : plus c'est mieux
Définition : Innovation
L'innovation
a pour objet la production de nouveaux modes de vie par le développement de l'usage d'objets techniques,
elle est associée à l'idée de croissance,
elle tend à une aliénation de l'humain par la technique.
Définition : Croissance
« La croissance économique désigne la variation positive de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée, généralement une longue période. En pratique, l'indicateur le plus utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut (PIB). »
Rappel : Critique de la croissance
Questionner la high-tech
Croissance : plus c'est mieux
Progrès : la technique est bonne
Consumérisme : le bonheur c'est d'avoir
Problématique : low-tech
Aux origines de la pensée low-tech : une critique de la technique
Fondamental : Aliénation de l'homme et domination de la nature
Deux critiques souvent solidaires (qui s'alimentent) et parfois contradictoires (qui s'opposent) :
critique de la technique parce que c'est un instrument de destruction de la nature ;
critique de la technique parce que c'est un système aliénant l’humain.
Fondamental : La posture low-tech
Pour lutter contre ces deux tendances :
redonner de l'autonomie à la nature sur la technique et sur les humains ;
redonner de l'autonomie aux humains sur la technique.
Remarque :
Accroître le pouvoir des humains sur la technique sans accroître leur pouvoir sur la nature est peut-être contradictoire ?
La posture low-tech : négocier les fonctions, la complexité et les impacts de la technique
Définition : Low-tech
Négocier la complexité : viser l'appropriabilité à l’échelle locale (objectif)
Négocier les impacts : viser la sobriété en ressources et en énergie (objectif)
Négocier les fonctions : viser une réforme des modes de vie (moyen)
Exigences de la posture low-tech
Penser le couplage homme-technique.
Accepter la pensée complexe.
Complément : C'est quoi une low-tech ?
Utile : répond à des besoins essentiels à l’individu ou au collectif.
Accessible : doit être appropriable par le plus grand nombre.
Durable : éco-conçue, résiliente, robuste, réparable, recyclable, agile, fonctionnelle.
Low-tech Lab, https://lowtechlab.org/fr/la-low-tech
Complément : Les « sept commandements » des low-tech
Remettre en cause les besoins
Concevoir et produire réellement durable
Orienter le savoir vers l’économie de ressources
Rechercher l’équilibre entre performance et convivialité
Relocaliser sans perdre les (bons) effets d’échelle
« Démachiniser » les services
Savoir rester modeste
Questionner la low-tech
La sacralisation de la nature
Il existerait une nature pure à défendre, une planète Terre (y compris dépourvue d'humains pour l'habiter).
C'est une autre forme de pensée de la séparation homme-nature (opposée mais compatible avec la pensée de Descartes).
Le retour d'un anthropocentrisme
Il s'agirait, pour répondre à la perte d'autonomie de l'homme vis-à-vis du système technicien, de le remettre au centre du processus de création technique et de lui redonner une maîtrise sur celui-ci.
C'est une autre forme de la pensée de la séparation homme-technique (qui oublie la dimension humaine constitutive de la technique).
Essentialisation des besoins
Il existerait des besoins essentiels que l'on pourrait séparer de besoins superflus pour décider a priori de ceux qui mériteraient d'être adressés ou non.
Qui est en mesure de les définir a priori ? Cette séparation n'est-elle pas plutôt le résultat d'un processus de recherche personnelle (Épicure) ou de négociation démocratique ?
Qu'est-ce qui est low-tech ?
« Quant à définir les low-tech précisément, accrochez-vous ! Le vélo, avec ses mille pièces élémentaires, est évidemment un objet bien plus durable, sobre, facile à utiliser et simple à réparer qu'une voiture bardée d'électronique et de métaux high-tech. Mais pour fabriquer le dérailleur et les câbles de frein, vulcaniser les pneus et les chambres à air, il faut des usines d'une haute technicité... »
Définition : lowtechisation
Rediriger les processus d'invention et d'innovation
Redirection écologique
La poursuite du développement technologique optimisé ne suffit pas.
« La redirection écologique prend acte du fait que l’ingénierie par optimisation ne permettra pas d’aligner nos organisations sur les limites planétaires. »
L'enjeu est de revoir les finalités et non seulement les moyens.
« Avec la redirection écologique, la question des moyens est étroitement liée à la question des finalités [...]. Les finalités stratégiques, organisationnelles, institutionnelles doivent donc être redirigées pour être adossées au diagnostic de l’anthropocène. »
Complément :
Exemple :
Produire des objets durables (un ordinateur ou un smartphone qui dure 50 ans).
Remettre en cause les modes de vie consommateurs en énergie (vidéos basse résolution, écrans modestes, offre relocalisée).
Limiter les technologies asservissantes (disposer de services numériques locaux soumis au contrôle démocratique plutôt que de services globaux maîtrisés par des géants internationaux).
Redonner de la place aux relations humaines (indépendance des services publics au numérique).
Exemple : eXtreme Defi (Ademe)
Concevoir des objets roulants véhiculant 1 à 3 personnes et une charge de 100kg :
matériaux & assemblages locaux, pièces simplifiées & standardisées
10 fois moins consommateur d'une voiture
réparable pendant 100 ans
25 à 80 km/h de vitesse maxi
Soutenabilité environnementale
Définition : Soutenabilité environnementale : d'abord ne pas nuire
Des outils techniques que l'on peut construire, utiliser, réparer, détruire dans le respect des limites planétaires (c'est-à-dire dont l'impact sur ces limites est minimisé).
Méthode : Modèle proposé
Habitabilité : climat, pollution, atmosphère, ozone, océans
Biodiversité
Ressources : eau, sols, nutriments
Principe DNSH : « Do No Significant Harm » (Comission Européenne)
Ne pas générer des émissions importantes de gaz à effet de serre (climat)
Ne pas entraîner une augmentation des incidences négatives du climat (résilience)
Ne pas porter préjudice au bon état ou au bon potentiel écologique des masses d’eau (eau)
Ne pas utiliser de manière significativement inefficace des ressources naturelles, ni entraîner une augmentation notable de la production de déchets (ressources)
Ne pas augmenter notablement les émissions de polluants dans l’air, l’eau ou le sol (pollution)
Ne pas porter préjudice au bon état d’écosystèmes (biodiversité)
Frontières planétaires (Stockholm Resilience Centre)
Complément :
Complément :
Responsabilité sociale
Utilitarisme (John Stuart Mill)
« le plus grand bonheur du plus grand nombre »
(Jeremy Bentham)
Une méthode : définir collectivement des finalités et chercher à les atteindre
Des valeurs a priori : la liberté des individus, l'égalité homme-femme, l'équité vis-à-vis des travailleurs...
Définition : Responsabilité sociale : considérer les humains
Des outils techniques qui participent au plus grand bonheur du plus grand nombre.
Méthode : Modèle proposé
Amitié : culture, communication, politique
Équité : justice, éducation, encapacitation
Utilité : eau, nourriture, santé, revenu
Les 17 objectifs du développement durable (ODD, 2015)
Éradication de la pauvreté ;
Lutte contre la faim ;
Accès à la santé ;
Accès à une éducation de qualité ;
Égalité entre les sexes ;
Accès à l'eau salubre et à l'assainissement ;
Recours aux énergies renouvelables ;
Accès à des emplois décents ;
Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l'innovation ;
Réduction des inégalités ;
Villes et communautés durables ;
Consommation et production responsables ;
Lutte contre les changements climatiques ;
Vie aquatique ;
Vie terrestre ;
Justice et paix ;
Partenariats pour la réalisation des objectifs.
Convivialité technique
« Une société conviviale est une société qui donne à l'homme la possibilité d'exercer l'action la plus autonome et la plus créative, à l'aide d'outils moins contrôlables par autrui. »
« L'outil est convivial dans la mesure où chacun peut l'utiliser, sans difficulté, aussi souvent ou aussi rarement qu'il le désire, à des fins qu'il détermine lui-même. »
Définition : Convivialité technique : bien vivre avec les objets
Des outils techniques que l'on peut utiliser aussi souvent ou aussi rarement qu'on le désire, en respectant les autres.
Méthode : Modèle proposé
Simplicité
Partage
Autonomie
Exemple : Vélo
« Une société équipée du roulement à billes et qui irait au rythme de l'homme serait incomparablement plus efficace que toutes les sociétés rugueuses du passé, et incomparablement plus autonome que toutes les sociétés programmées du présent. »
Exemple : L'atelier paysan
« La numérisation accroît la dépendance des agriculteurs à l’industrie. »
« L’enjeu est d’être capable de réparer et d’adapter son outil et non d’être face à une boîte noire d’une complexité folle. »
Définition : Les 4 libertés du logiciel libre
la possibilité d'utiliser, pour tous les usages ;
la possibilité d'étudier ;
la possibilité de copier et redistribuer des copies ;
la possibilité de modifier et de publier ses modifications.
Exemple : Services numériques libres et décentralisés
Lowtechisation = convivialité + soutenabilité + responsabilité
Fondamental : Lowtechisation
La Lowtechisation est un processus consistant à rediriger l'invention et l'innovation pour négocier le spectre fonctionnel et la complexité technique des objets afin de créer des outils plus soutenables environnementalement, plus responsables socialement et plus conviviaux techniquement.
Attention :
Cette représentation est un modèle destiné à la conception orientée lowtechisation.
Exercice
Organisation
On constitue 6 groupes de 6.
3 groupes travailleront sur une restitution orale (troubadours) et 3 autres groupes sur une restitution écrite (scribes).
Attribution des rôles pour les groupes « Troubadours ».
1 animateur·ice gère la distribution et le temps de parole.
1 ou 2 secrétaires prennent des notes.
1 ou 2 rapporteur·euses écoutent, suivent la prise de notes et restituent les notes à l'oral à la fin.
Les autres proposent des éléments de réponse à la question à tour de rôle.
Une fois le tour fini, s'il reste du temps on peut engager une discussion plus libre.
Attribution des rôles pour les groupes « Scribes ».
1 animateur·ice gère la distribution et le temps de parole.
1 à 3 secrétaires prennent des notes.
Les autres proposent des éléments de réponse à la question à tour de rôle.
Une fois le tour fini, s'il reste du temps on peut engager une discussion plus libre.
Quels problèmes posent le technosolutionnisme au regard de la crise écologique ?
En quoi la posture low-tech est-elle problématique dans le contexte de la crise écologique ?
Quels liens y a-t-il entre : possibilité de faire des choix technologiques, redirection, et lowtechisation ?