Concepts de la lowtechisation : modèle « Valeurs · Leviers · Tensions »

Les neufs limites planétaires formulées par le Stockholm Resilience Centre en 2009, repris par Kate Raworth dans le cadre de son doughnut forment une bonne définition des problèmes écologiques contre lesquels il faut lutter : le changement climatique, l'érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles de l'azote et du phosphore, la modifications des usages des sols, la pollution chimique, la sur-utilisation d’eau douce, la diminution de la couche d’ozone, l'acidification des océans, les aérosols atmosphériques. Ces critères sont agrégés selon les trois catégories habitabilité, ressources et biodiversité.

La norme IS0 26000 intègre dans la définition de la responsabilité sociétale la considération de ceux qui produisent (gouvernance, conditions de travail), de ceux qui utilisent (consommateurs) et de la société au sens large (droits de l'homme, développement local, droit international). Kate Raworth adosse les 12 besoins de bases de son plancher social à certains des objectifs du développement durable des Nations unies. Elle ne les retient pas tous car les ODD présentent l'inconvénient de mélanger des finalités et des moyens. In fine l'ensemble est agrégé sous les termes de santé, équité et lien entre les humains.

Ivan Illich définit l'outil comme convivial s'il est utilisable par le plus grand nombre (en droit et en pratique), s'il ne crée pas de dépendance (il ajoute un sentier technique sans entraver les autres chemins qui existaient ou existeront), s'il ne crée pas de hiérarchie entre les humains, s'il est partageable, facile à fabriquer (c'est à dire avec le « bon effet d'échelle » pour rependre la proposition n°5 de Philippe Bihouix), à modifier et à réparer. Cette définition se marie bien avec les 4 libertés du logiciel libre : utiliser sans restriction, étudier le fonctionnement (par exemple pour réparer), dupliquer et distribuer (pour faire bénéficier d'autres personnes de l'outil), modifier (pour améliorer, adapter...). Ces éléments sont synthétisés par les notions de simplicité, possibilité de partage et autonomie vis-à-vis des objets.

L'optimisation est le levier classique de l'ingénieur. Il s'agit de rendre un objet ou service plus performant au regard de certains critères fixés a priori. Dans le contexte de notre société technologique et capitaliste, ces critères sont en général économiques quand il sont exogènes (qu'ils viennent du client) et techniques quand ils sont plus endogènes (fixés par la structure d'ingénierie elle-même) : construire des choses nouvelles, intéressantes, élégantes...

La où l'optimisation vise à améliorer une trajectoire existante, l'imagination permet d'envisager un autre monde. Elle incarne aussi une dimension littéraire qui s'articule à le dimension calculatoire de l'optimisation. Le champ de l'imagination est très large, depuis la littérature donc, à la psychologie en passant par d'autres formes d'arts et sciences.

Le solarpunk est un genre de la science-fiction. C'est un mouvement artistique dérivé du cyberpunk qui encourage une vision optimiste de l'avenir à la lumière des préoccupations environnementales actuelles, telles que le changement climatique et la pollution ainsi que des inégalités sociales. Il peut emprunter des éléments aux genres utopiques et fantastiques.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Solarpunk

Toute conception est un acte politique, au sens où elle impacte la société au sein de laquelle va se déployer la technique conçue. Le domaine de la politique est également très vaste et le modèle de la lowtechisation n'en aura retenu qu'une partie sous la forme de trois concepts assez éloignés des modes de fonctionnement de nos démocraties représentatives, faisant l'hypothèse que leur originalité est dotée d'une vertu performative.

« Avertir d'un danger, d'une situation critique ou d'un phénomène anormal, d'une difficulté quelconque, pour que soient éventuellement prises des mesures de vigilance, d'aide ou d'intervention. »

cnrtl.fr

Processus de conception technique et fonctionnelle de nouveaux objets :

• en vue de modifier de déclencher des actes politiques,

• qui modifient l'organisation de la société (soutiens d'initiatives, lancement de projets collectifs, interdictions, obligations...)

• afin d'aller dans le sens de plus de soutenabilité, responsabilité et convivialité.

L'économie actuelle de notre société est construite sur une croissance exponentielle, depuis la rémunération des actionnaires, jusqu'au fonctionnement des retraites, en passant par les recherches de productivité dans tous les domaines, y compris ceux de la santé, de l'éducation ou même de l'art. Or, depuis le rapport du Club de Rome de 1972 au moins la perspective d'une croissance exponentielle dans un monde fini est sérieusement questionnée. Les tensions entre lowtechisation et croissance se déclinent selon les concepts d'innovation, les nouvelles technologies s'additionnent en général aux anciennes, la substitution étant l'exception et non la règle, de capitalisme, le principe même de la propriété lucrative est au cœur des mécanismes des croissance, et d'hubris, au sens où la notion même de limite est vue comme négative.

La notion moderne de progrès se forge au XIXème siècle : l'humanité suit une trajectoire vers le mieux grâce à la science et l'invention est ainsi toujours souhaitable. Les investissements colossaux consentis en ce moment dans le domaine de l'IA, tandis que des enjeux écologiques majeurs pourraient plutôt attirer notre attention, s'inscrivent dans cette croyance que le progrès aidera à résoudre tous les problèmes, notamment écologiques (quand bien même l'histoire récente montre que ceux-ci sont à l'origine des problèmes). La lowtechisation entre aussi en tension avec l'abstraction qui est associée à des techniques de plus en plus complexes (et dont à nouveau l'IA est un exemple frappant). Enfin, elle propose également de résister à l'idée de résilience. C'est peut-être moins attendu tant, dans un contexte de crises à venir, celle-ci paraît souhaitable, mais la résilience reste tournée vers le traitement des conséquence et non des causes, aidant ainsi à s'accommoder de la trajectoire actuelle.

Le capitalisme est productiviste et il est également consumériste, il a pour condition de fonctionnement la consommation toujours renouvelée de marchandises. La notion de besoin est convoquée comme si préexistait une demande à laquelle répond le concepteur. Or nos besoins sont essentiellement artificiels, construit par les techniques elles-mêmes, ainsi que par la publicité. Celle-ci est une preuve que la consommation est inscrite dans une logique de construction d'offre. Au XXIe siècle prospèrent ainsi parmi les plus grandes entreprises du monde des géants du numériques dont le modèle repose avant tout sur la publicité (le chiffre d'affaire de Google associé à la publicité est de 237 milliards de dollars en 2023). Ces deux premiers axes par lesquels la lowtechisation cherche à résister à la consommation sont associés à un troisième, l'individualisme qui structure nos formes de sociétés actuelles.