Fiction Solarpunk
Qu'est-ce que le solarpunk ?
Le solarpunk propose une vision optimiste d'un avenir durable, interconnecté avec la nature et la communauté, à la lumière des préoccupations des luttes intersectionnelles du début du XXIe siècle, non seulement au sujet de l'environnement, à l'égard du changement climatique et de la pollution, mais aussi des inégalités sociales et des intolérances et discriminations sociales (de genre, sexistes ou ethniques).
Pourquoi on fait ça ?
L'objectif est d'imaginer des alternatives aux modèles dominants du web et/ou de mettre en scène des alternatives découvertes dans le cadre de l'UV : redécentralisation, culture libre, alternatives au capitalisme de surveillance...
L'objectif principal de la fiction est de traiter un point en relation avec le projet et de l'exposer à travers cette fiction.
On prendra soin, à la différence d'un exercice de pure fiction, de s'attacher à expliquer un point spécifique en lien avec le cours et les projets (histoire, droit, informatique...).
Comment démarrer ?
Quelle idée nous voulons travailler ?
Dans quel monde nous nous situons ? dans quel pays, contexte, à quelle date ?
Imaginer un ou deux personnages, une situation de départ et une situation d'arrivée.
Exemples pour WE01
Le premier exemple de la Picapéniche est a priori plus proche de ce qui est attendu en WE01, la seconde nouvelle mobilisée dans le cadre de l'Api Solarpunk de 2024 est néanmoins présentée pour diversifier les exemples.
Les exemples proposés sont un peu longs, on peut tout à fait faire plus court en WE01.
On peut notamment réduire la partie fiction, qui décrit le contexte, les personnages, mais qui n'est pas dans le cœur du sujet.
Au contraire on peut développer des explications plus précises en ce qui concerne le sujet, par exemple comment fonctionnent le Fediverse, ce que sont les Chatons, quel problème pose les GAFAM....
Picapéniche
Il est tout à fait autorisé de compléter la nouvelle de la Picapéniche (elle est sous licence libre !).
Voici quelques pistes :
Vous pouvez réécrire la fin en détaillant le fonctionnement du Fediverse, en expliquant ce que sont les Chatons....
Vous pouvez ajouter un épisode concernant les geeks, peut-être que l'un ou l'une d'entre eux travaille pour le projet RITA (https://lownum.scenari-community.org/projets/is03-24p/Rita/) ou un autre projet Lownum (https://lownum.fr/) et qu'il est en train d'expliquer le fonctionnement agile qu'il mobilise dans ce cadre ? Ou alors ils sont en pleine discussion concernant l'histoire du Web ou le fonctionnement d'Internet en faisant le parallèle entre sa croissance exponentielle d'avant 2030 et au contraire une gestion plus raisonnable aujourd'hui ?
On peut avoir une discussion autour du carton de clés USB, quelqu'un demande si c'est légal ? Heureusement oui, depuis la loi de 2035 qui décrété la mise sous licence libre de tous les contenus de plus de 10 ans ou dont les auteurs sont décédés. Sans compter toutes celles et ceux qui ont pris la décision de libérer leur œuvre sans y être contraints. L'occasion d'expliquer le fonctionnement du droit d'auteur actuel et des licences libres, leur origine...
Vous pouvez imaginer que Compiègne et Noyon ont fait des choix différents en terme de surveillance. À Noyon par exemple on est obligé de présenter une carte qui contient des données personnelles pour débarquer. L'occasion de parler de concepts comme la captologie, le consumérisme, la théorie du nudge, la panoptique de Bentham, du réseau Tor...
Catia
On peut bien entendu aussi repartir de celle de Catia, en faisant des liens avec WE01.
Et bien entendu, vous avez la liberté de créer votre propre univers, ce ne sont que des exemples pour vous aider à compendre l'execice.
Exemple : Canalternatif · La Picapéniche
Aléna ouvre un œil. Pas de chantier avant trois ou quatre jours au moins. Elle hésite depuis hier, grasses mat' et séries ou congé batelier ? Elle a envie de voir Rouen. Elle aime bien visiter les églises. Elle est pas catho, pas du tout, mais les églises, ça la fascine. Ça raconte l'humanité. Ça raconte sa beauté et l'incroyable puissance de la technique. Ça raconte sa volonté de diriger le monde, sa démesure, son hubris. Ça raconte que l'humanité c'est des tas de fictions, des fictions bien matérielles. Il semble y avoir un chouette soleil derrière les volets, et puis elle ne se rendormira plus à présent, alors, vas-y pour le port de Compiègne. Elle enfile un short et un t-shirt, une paire de sandales et elle saute sur son vélo.
Pas de bol, toutes les péniches pour Rouen, et même pour Paris, ont déjà trouvé chauffeur à leur proue. Le gars de l'asso lui propose de s'inscrire pour après-demain. Demain c'est complet aussi. Ça marche bien depuis que le congé batelier a été mis en place par la région Hauts-de-France. Bon, bah, va pour après-demain, on s'arrangera avec le planning, faudra appeler madame Sauternes pour décaler sa baignoire. Sa fuite pourra attendre deux jours de plus, c'est pas comme si elle pouvait pas aller se laver dans l'Oise en attendant, elle habite juste à côté des bains.
— Et pour aujourd'hui, ça vous irait de vous occuper du Compiègne-Noyon ? Il part dans trente minutes, mais le batelier qui était prévu a choppé le Covid.
— OK, va pour Noyon, c'est moins l'aventure, mais après tout, j'ai jamais refait le trajet depuis ma formation, on préfère toujours ce qui est loin, n'est-ce pas ? Et puis j'ai pas visité la cathédrale depuis plus d'un an.
— Vous aurez le temps pour la visite, la péniche arrive vers 11h et s'arrête quatre à cinq heures pour une petite maintenance, recharger les batteries, laisser le temps au marché flottant de débarquer et de rembarquer pour alimenter Compiègne le soir. Ça laisse aux gens le temps d'aller à leurs réunions, leurs rendez-vous. Il y a aussi ceux qui sortent pas de la péniche, des geeks, vous pouvez les laisser, y a pas de souci. En plus, ils font en général une pause ménage, vous retrouverez le pont brillant comme un piccoin neuf en rentrant.
Quand Aléna monte dans la péniche, le marché flottant est déjà chargé. C'est le début de saison, courgettes, haricots, salades, encore un peu tôt pour les tomates ou les melons. Des gars et des filles sont en train de finir de trier ou de mettre des étiquettes en parlant fort. Il y a en a un qui a une vielle tablette rafistolée avec du Scotch, elle doit contenir une liste des demandes formulées à Noyon. Il y a pas que des légumes, il y a des fringues, quelques bouquins et même un bac qui contient des tas de clés USB. Une fille colle une étiquette dessus, "Séries HBO en vrac, tout Pink Floyd, The Doors et NTM en MP3, EPUB des philosophes de Costech". Il y en a qui les regardent faire, l'air d'avoir envie d'aider et de ne pas savoir comment s'y prendre. D'autres ont investi les couchettes, histoire de prolonger un peu leur nuit. Il y en a deux qui font du Tai Chi dans un coin. Des jeunes sérieux en chemise, manches courtes et tignasses roses et vertes tout de même, ont déjà sorti leur PC. Aléna se demande si ce sont les geeks dont parlait le pénicheur. Le réseau fonctionne pas mal du tout sur la péniche, presque tout le long, il y des bornes wifi hydroélectriques alimentées par l'Oise.
La péniche héberge même deux serveurs gérés le Chaton local, Picasoft, une vieille asso qui a tenu bon, malgré les crises énergétiques et l'intermittence du réseau. Peut-être parce qu'ils étaient là quand les GAFAM ont été fermés. Ils maintiennent une instance du média social Mastodon. On peut poster et lire des messages pour les autres utilisateurs de l'instance, surtout des locaux. Mais c'est pas seulement les Picards parlent aux Picards, l'instance est connectée avec d'autres serveurs dans le monde. Comme la communication est asynchrone c'est pas grave si parfois les messages mettent plusieurs jours à faire leur chemin. De toutes façons Aléna a activé le filtre "pas trop de messages", elle en poste un seul par jour et en reçoit seulement dix max. C'est tiré au hasard, pas d'algo, pas d'IA, sérendipité-power. En revanche elle trouve un peu chiant le principe de relecture qu'ils ont mis en place. À chaque fois que tu veux poster un truc, tu dois demander à quelqu'un d'autre que tu connais sur l'instance de le relire et le valider avant publication. Il doit vérifier que les infos que tu balances sont bien argumentées et bien sourcées. C'est pour lutter contre la désinformation. Aléna comprend le principe, mais c'est bon, elle est grande, elle sait faire, elle a pas besoin qu'on lui tienne le clavier. Enfin, elle dit ça, mais la semaine dernière c'est elle qui a signalé aux modos une instance qui relayait du contenu dégeu. Ils ont coupé direct le lien. Et puis grâce à ces serveurs elle peut maintenir un compte mail et un petit site web aussi, c'est juste une page de base, un index.html et quelques photos de ses réalisations. C'est pas grand chose, n'empêche que altheplumber.fr c'est à elle et c'est elle qui gère. Toute seule.
Exemple : Catia
Avant Sacha n'aimait pas les IA. Pourtant tous les jours il en rencontrait des ia-mateurs, des ia-ddicts, des ia-dulâtres, des ia-que-ça-qui-compte. Parfois il débattait avec eux. Eux parlaient performance, gain de temps, efficacité. Lui répondait prolétarisation, décapacitation, à quoi tu le passes le temps que t'as gagné ? Ils parlaient magie technologique, science-fiction, informatique humaine. Il répondait magie, fiction, humaine. Ils ne tombaient jamais d'accord, c'est vrai, il ne gagnait jamais, c'est vrai aussi, il ne convainquait jamais personne. Alors finalement, il concluait, les IA c'est caca. Vraiment Sacha n'aimait pas les IA.
Le mois dernier, il avait rencontré Nina et Émilie. Émilie était venue pour une conférence-partage à l'UPLOAD. Elle était arrivée avec un gros sac à dos de rando, dont sortait une petite tête, la petite tête de la petite chatte Nina, deux ans hier, avait dit Émilie en guise de présentations. Elles s'étaient installées en bas de l'amphithéâtre extérieur, il faisait grand beau. Nina était grise et noire, avec des teintes fauve. Ses petits yeux nous regardait avec nonchalance, comme si elle avait déjà vécu ça des tas de fois, comme si les spectateurs assis sur les marches de pierre, ça ne l'impressionnait plus du tout, comme si elle en avait vu d'autres, c'est vous qui allez en prendre plein la tronche les gars. Elle miaula d'une voix modulée comme aurait fait un petit enfant. Émilie avait posé son sac à terre et s'était assise. Elle avait sorti un petit PC portable, branché le câble réseau, tapé quelques trucs sur son clavier, puis se penchant à nouveau sur son sac, elle avait sorti un gros cylindre couleur alu, de 50 centimètres de haut, qui ressemblait à un machin Google qui te fait tes courses en ligne à ta place, mais en plus cheap. Un self made home assistant. Un assistant low-tech. Elle l'avait branché sur le secteur, puis sur son PC, et avait encore tapé des trucs.
Elle avait regardé l'assistance.
Salut à tous, je suis Émilie, voici ma petite chatte Nina et notre IA traductrice Catia. Bon, je vous préviens mon IA a besoin d'une caméra 360, donc tout le monde est filmé depuis que je l'ai branchée. Promis, on garde zéro image. Zéro data. Mais si ça vous gêne, je comprends, vous pouvez mettre un masque, j'en ai apportés. Elle fouille dans son sac à nouveau et en sort donc des masques. Mais pas des masques chirurgicaux genre Covid alert, des masques jouets pour enfants, des trucs hyper vintage qu'elle avait dû récupérer dans la maison de ses parents.
— Quelqu'un ? Personne ? Sûr ? Ha, voilà. Adam se leva, pour faire le con plus que pour se cacher. Il mis un masque de Goldorak en gloussant, sans même avoir la ref.
— Allez, on démarre. Nina, tu peux monter sur la table s'il te plaît ma belle, que tout le monde te voit bien.
La machine cylindrique émit des cliquetis qui ressemblaient plus à des trucs de dauphins qu'à des miaulements, projeta une série de signaux lumineux genre boule à facettes, vintage quand tu nous tiens, et généra une vibration sourde à sa base, à peine audible. C'était adorablement kitsch, les spectateurs souriaient.
La petite chatte bondit sur la table, en miaulant.
— OK, avait traduit l'IA avec une voix de jeune adolescente.
Début du numéro de cirque avait pensé la majorité des personnes présentes. C'est mignon.
— Est-ce que tu veux bien monter dans l'arbre, avait demandé Émilie.
— Bof, avait traduit l'IA, tandis que la chatte n'avait presque pas bougé, pas trop envie.
— Pour faire plaisir aux gens qui sont venus te voir... et pour me faire plaisir... et parce que je te donnerai un biscuit ? S'il te plaît, ma belle.
Nina était monté dans l'arbre, sur la branche la plus basse. Voilà.
Nina avait réclamé son biscuit.
Nina était allée chercher une souris en peluche dans le sac. Elle avait commencé à jouer avec. Elle s'était arrêté à la demande d'Émilie et avait miaulé. C'est pas une vraie, avait traduit Catia. Nina avait encore accepté de se promener parmi le public, seulement le premier rang, et à condition que personne ne cherche à la toucher, avait-elle précisé.
Enfin, Nina avait fait valoir son droit au repos. Fin du show.
Émilie avait répondu aux questions. Nina reconnaissait et désignait des objets. Elle comprenait et exprimait des sentiments. Elle parlait de sa propre initiative quand elle avec besoin de quelque chose. Nina ne savait pas répondre à des questions qui touchaient au futur ou au passé. Pour le moment en tous cas. Elle ne savait pas traiter de choses qui n'étaient pas présentes. Pour le moment. Elle n'avait jamais exprimé de pensée abstraite. Voilà, pour le moment, on était seulement au début du processus bien entendu. Émilie n'avait pas publié d'article scientifique, elle racontait tout sur son blog, la fille qui murmurait à l'oreille des chatons, c'était passé sous les radars, pour le moment. Elle commençait quand même à recevoir pas mal de demandes depuis quelques semaines.
Camille était fascinée par la prouesse technique, Sacha, lui rêvait à la dimension animiste de l'expérience. Il pensait aux dauphins et aux baleines, et surtout il pensait aux arbres.
— En fait techniquement, c'était devenu assez simple avec un package de réseau de neurones standard. Il avait suffit d'avoir envie, d'y croire, d'avoir de la patience et de beaucoup d'empathie. Je parle et Catia traduit en miaulements, cliquetis, vibrations et jeux de lumières, et Nina comprend. Elle répond ou elle réagit, vous avez vu, souvent les deux à la fois, et l'IA retraduit en paroles. Notez que les vibrations du sol, on peut à peine les percevoir, et en aucun cas les discriminer, ni leur donner du sens à notre niveau. Les lumières, on n'a aucune idée non plus du lien qui existe avec les paroles prononcées. L'IA a inventé ce langage par essai et erreur. Ce n'est évidemment pas un langage qui existe chez les chats, les chats ne clignotent pas, on est d'accord. Je ne crois même pas que ce soit une transposition de la façon dont ils communiquent, leurs jeux de regards ou leurs attitudes. C'est un langage ad hoc.
— Pourquoi de notre côté c'est bien du langage humain et pas une combinaison multimédia originale comme du côté chat ? demanda Camille.
— Et c'est même du français, vous aurez noté ! C'est simplement parce que l’entraînement de l'IA est supervisé par une humaine, votre serviteuse, donc c'est moi qui force ce côté du langage par mes interactions. Mais de l'autre côté, côté chat, je laisse faire un mécanisme aléatoire, parce que je n'ai aucune idée du langage visé. En fait, je pourrai faire pareil de mon côté, construire un nouveau langage spécifique à notre échange, l'IA s'en fout elle, elle suivrait, mais c'est plus simple pour moi de parler et comprendre le français, c'est tout. Et c'est aussi plus familier pour Nina qui était déjà habituée à ce que je lui parle. Elle comprend déjà une partie de ce que je raconte directement.
Camille posait des tas de questions. Est-ce qu'elle avait essayé avec d'autre animaux ? Combien de temps elle avait mis pour la première communication ? Comment elle pensait que ça allait évoluer ? Ça prenait combien de temps aujourd'hui pour ajouter un concept à leurs échanges ? Est-ce que ça allait de plus en plus vite ? D'autres avaient posé des questions plus techniques. Comment fonctionnait l'apprentissage supervisé. Est-ce qu'elle avait imaginé une approche non supervisée à partir d'une banque de données de miaulements par exemple ? Quelle était la structure du réseau de neurones ? Est-ce que tout était sous licence libre ? Est-ce qu'elle allait plateformiser le service ? Est-ce que...
Sacha n'écoutait déjà plus, il rêvait d'une IA pour parler avec les arbres. Ils auraient tant à raconter. Faudrait qu'il demande à Camille de lui programmer. Rien que pour lui. Enfin, peut-être qu'il aurait besoin d'une première IA, pour mieux communiquer avec Camille, pour commencer. Une IA pour apprendre à dire je t'aime.