Un marché dysfonctionnel
Fondamental : Où est passé le marché libre et non-faussé ?
Les ambitions techno-sécuritaires nécessitent de s'inscrire sur un marché compétitif, notamment à l'international.
Une industrie européenne de la sécurité compétitive est la condition sine qua non de toute politique européenne de sécurité viable et de la croissance économique en général.
Mais le marché théorisé par les économistes orthodoxes ne fonctionne pas.
Complément : Le complexe industrie-surveillance en Europe
Voir Jones, 2017[3].
Fondamental : Entre complaisance et corruption
Les industriels et les décisionnaires publics se rendent des services mutuels, notamment sous les prétextes historiques des enjeux de surveillance.
Contrairement à l'idée de façonner un marché de la sécurité, l'idée sous-jacente [des financements] semble être la promotion d'une relation commerciale non marchande entre l'industrie de la sécurité et les clients du secteur public.
Exemple : JO 2004, Athènes
Un consortium SAIC (Science Applications International Corporation, entreprise américaine spécialisée dans la défense) - Siemens (conglomérat allemand spécialisé dans les secteurs de l'énergie, de la santé, de l'industrie et du bâtiment.) remporte un appel d'offre pour surveiller les JO, avec une ambition inégalée pour l'époque (toutes les citations sont de Samatas, 2013[5]).
[...] un vaste réseau d'ordinateurs et des centaines de caméras de télévision en circuit fermé interconnectées dans toute l'agglomération d'Athènes, fonctionnant 24 heures sur 24. Les systèmes de vidéosurveillance étaient reliés à un réseau de surveillance de postes mobiles (TETRA), qui recevaient des images et des sons en temps réel par 22 160 agents de sécurité et qui étaient coordonnés par un poste central de sécurité de l'information. Le système rassemblait des images et des sons provenant d'un réseau électronique composé de plus de 1 000 caméras haute résolution et infrarouges, de 12 bateaux de patrouille, de 4 000 véhicules, de 9 hélicoptères, d'un ballon dirigeable équipé de capteurs et de 4 centres de commandement mobiles.
Le résultat de ce contrat à 300 millions de dollars est un fiasco.
Pendant les Jeux, le [centre de commandement] tombait en panne et ne fonctionnait pas, et le système était éteint pendant la majeure partie de la journée, quel que soit le jour. Il n'a donc pas pu prendre en charge les 800 utilisateurs du centre de commandement principal. Les responsables grecs étaient nerveux à l'idée de payer une somme extraordinaire pour un système de sécurité défaillant. Un responsable américain de la sécurité intérieure commente la situation en plaisantant : « ils finiront probablement par utiliser leurs téléphones portables [🤣] ».
Le contrat, gagné à l'issue d'un processus ultra-compétitif, était en fait sécurisé à travers de la corruption.
[...] Siemens [...] a versé plus de 100 millions d'euros de pots-de-vin à des hommes politiques grecs et à des hauts fonctionnaires [...] pour s'assurer que l'entreprise [remporte l'appel d'offre] ainsi que d'autres projets. [...] selon le témoignage [du responsable de la caisse noire de Siemens], le système C41 pour les Jeux olympiques d'Athènes a été utilisé par Siemens comme un « projet factice » pour obtenir des contrats lucratifs de l'État, plutôt que comme un système de sécurité olympique réalisable et efficace.
Les États étant particulièrement vulnérables du fait des incitatifs économiques de croissance, de compétition géopolitique et de croyances techno-sécuritaires, le procédé est plus systémique qu'exceptionnel.
La corruption est peut-être au cœur même de la McVeillance, c'est-à-dire de la promotion par les entreprises de systèmes de surveillance de haute technologie dans le monde entier pour tous les besoins de sécurité. [...] Ce comportement a été toléré par les gouvernements et légitimé par les intérêts géostratégiques occidentaux.
Fondamental : Appel à la souveraineté
La peur du « retard » sur les autres pays est un énième moteur des investissements. Pour autant, il faut noter que les investissements dans des technologies étrangères reste massif.
Nous ne pouvons laisser aux entreprises chinoises ou américaines le soin de définir seules les standards internationaux d'utilisation et de développement de la reconnaissance faciale. Nous ne pouvons pas plus leur laisser le monopole de l'innovation en matière de sécurité.
Axelle Lemaire, citée par Tréguer, 2024[6] (p. 52)