La technique n'est ni bonne, ni mauvaise, ni neutre (avec Jacques Ellul)

Ce contenu à été réalisé à partir d'un court — mais dense — extrait d'un texte de Jacques Ellul ( 1965[1]).

FondamentalLa technique n'est ni bonne, ni mauvaise, ni neutre.

J'entends par là que le développement de la technique n'est ni bon, ni mauvais, ni neutre — mais qu'il est fait d'un mélange complexe d'éléments positifs et négatifs [...].

Ellul, 1965[1]

Ça ne dépend pas

Les objets techniques ne sont pas neutres au sens ou nous pourrions décider de systématiquement les utiliser à bon escient. On peut caresser avec un marteau, mais si on dispose du marteau, on frappera à un moment ou à un autre avec (un clou ici, un crâne là).

J'entends encore par là qu'il est impossible de dissocier ces facteurs, de façon à obtenir une technique purement bonne et qu'il ne dépend absolument pas de l'usage que nous faisons de l'outillage technique d'avoir des résultats exclusivement bons.

Ellul, 1965[1]

Exemple

Le fusil nous fait pénétrer dans un monde où, indépendamment de la volonté de son utilisation, la guerre des tranchées devient possible.

Biagini and Carnino, 2006[2]

La technique transforme l'humain

L'humain équipé de telle ou telle technique est transformé corporellement et psychologiquement, il est un humain différent de celui qui est équipé autrement.

En effet, dans cet usage même nous sommes à notre tour modifiés. Dans l'ensemble du phénomène technique, nous ne restons pas intacts, nous sommes non seulement orientés indirectement par cet appareillage lui-même, mais en outre adaptés en vue d'une meilleure utilisation de la technique grâce aux moyens psychologiques d'adaptation.

Ellul, 1965[1]

La technique augmente la dépendance à la technique

La technique peut augmenter l'autonomie de l'humain, par rapport à sa dépendance aux activités d'autres humains ou aux contraintes du milieu naturel dans lequel il évolue, mais elle diminue toujours son indépendance en ce sens que la solution technique se substitue à une solution — ou une non-solution — non technique.

Ainsi nous cessons d'être indépendants : nous ne sommes pas un sujet au milieu d'objets sur lesquels nous pourrions avoir une influence autonome, à l'égard desquels nous pourrions librement décider de notre conduite : nous sommes étroitement impliqués par cet univers technique, conditionnés par lui.

Ellul, 1965[1]

La technique détermine l'évaluation de la technique

Il n'est pas possible d'évaluer le caractère bon ou mauvais d'une technique sans technique, donc l'évaluation éthique de la technique est elle-même techniquement conditionnée.

Autrement dit l'usage fait de cet appareillage n'est pas décidé par un homme spirituel, éthique et autonome, mais par cet homme là — et par conséquent, cet usage est tout autant le résultat d'une option de l'homme que d'une détermination technique : cet univers technicien comporte aussi des déterminations qui ne dépendent pas de nous et qui dictent un certain usage.

Ellul, 1965[1]

Le progrès technique complexifie le monde et limite les possibilités de choisir

L'extension du domaine de la technique, en nombre d'objets, en évolution de chaque objet, en intrications des objets entre eux, complexifie le monde dans lequel les humains évoluent et obère leurs possibilités de choix.

Ce qui nous reste, c'est d'être situé dans un univers ambigu, dans lequel chaque progrès technique accentue la complexité du mélange des éléments positifs et négatifs. Plus il y a de progrès dans ce domaine, plus la relation du « bon » et du « mauvais » est inextricable — plus le choix devient impossible — et plus la situation est tendue, c'est à dire moins nous pouvons échapper aux effets ambivalents du système.

Ellul, 1965[1]

ComplémentTechnocritique

  • « Tout progrès technique se paie. »

  • « Le progrès technique soulève plus de problèmes qu'il n'en résout. »

  • « Les effets néfastes du progrès technique sont inséparables des effets favorables. »

  • « Tout progrès technique comporte un grand nombre d'effets imprévisibles. »

Ellul, 1965[1]

Jacques Ellul est porteur d'une pensée que l'on qualifie de technocritique au sens où elle reconnaît la prépondérance de la technique dans l'ontologie humaine sans lui conférer pour autant un caractère sacré ou bon a priori.

Complément

Technology is neither good nor bad; nor is it neutral.

Kranzberg, 1986[3]